Les nouvelles mamelles de la France agricole [Le point de vue de CL]

Le mal-être est si profond dans la profession que peu de monde imaginait des annonces dignes d’un grand soir avec hausse rapide des revenus. Il fallait donc d’abord s’en prendre à ce que la majorité des agriculteurs ressentaient comme un mépris de leur travail et au-delà, de leur manière de vivre. Il fallait défendre ‘l’identité paysanne’, réelle ou fantasmée par la population, comme elle peut être défendue avec sincérité ou instrumentalisée par les politiques. Comme prévu, les annonces les plus fortes ont mis en avant deux adversaires qui saperaient leur travail comme leur identité : l’environnement et ses normes, l’Europe et sa « concurrence déloyale » – dixit Emmanuel Macron – mise en place par ses décisions. Moins de normes environnementales et plus de contrôle de l’Europe sont les deux mamelles de la « souveraineté agricole et alimentaire », nouvel objectif du pouvoir français qui veut même l’inscrire dans la loi.

Ce qui a été présenté met en avant une stratégie très défensive, dans l’air du temps. La priorité des priorités est de préserver ce qui peut être sauvé ; les transitions, les changements permanents ont épuisé l’agriculture plutôt que de la régénérer. Pour aller au plus vite sur ce sujet difficile, la « simplification » affichée vire parfois au simplisme voire au populisme. Parce que la question la plus délicate, celle de la répartition des revenus – entre toute la filière mais aussi entre les agriculteurs – impliquerait de mettre à plat tout un système qui enrichit quelques-uns au prix de l’asphyxie de beaucoup d’autres. Ce sont ces derniers qui ont crié, bloqué, quitté leurs fermes. Mais ce n’est pas sûr, là encore, qu’ils sortent comme les grands gagnants de cette réaction.